Passer du baume au cœur
des Grecs afin d'éviter d'être prise pour cible dans la campagne
électorale : la Commission européenne a publié, mercredi 18 avril, une
longue communication sur la croissance en Grèce, comme pour faire oublier les efforts d'économie exigés par les bailleurs de fonds depuis la mise sous assistance du pays, voici deux ans.
Ce catalogue de mesures est censé démontrer que les Européens ne laissent pas tomber une population obligée de payer au prix fort le naufrage financier du pays. La Commission essaie de distinguer son image de celle de la "troïka" - à laquelle elle participe avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE) - auprès d'un électorat qui reste, au fond, plutôt favorable à l'Europe et à l'euro......
Le message sera-t-il reçu, alors que l'issue des élections du 6mai
demeure incertaine ? La Commission appelle les dirigeants politiques et
la population à un "engagement d'unité nationale", tandis que les formations hostiles au programme d'austérité ont le vent en poupe, à gauche comme à droite.
La perspective d'une défaite électorale des deux principaux partis -
le Pasok et Nouvelle démocratie - qui participent au gouvernement de
coalition dirigé par l'ancien vice-président de la BCE, Lucas Papadémos, donne des sueurs froides à Bruxelles. En ce début de campagne, les deux partenaires de la coalition continuent de se reprocher leurs responsabilités respectives dans la crise.
MESURES IMPOPULAIRES
La Commission les a brièvement réconciliés. Les deux partis ont fait bon accueil à la démarche de son président, José Manuel Barroso.
Le porte-parole de Nouvelle démocratie a salué l'attention portée à la
croissance, tout comme le président du Pasok, Evangélos Vénizélos, qui
avait envoyé une lettre à Bruxelles insistant sur la nécessité de prendre des mesures pour la croissance.
Le premier ministre Lucas Papadémos a lui aussi rendu public, mercredi, un courrier adressé à M. Barroso, présentant ses "priorités" pour sortir enfin de la récession: le soutien aux petites et moyennes entreprises,
le développement des infrastructures (autoroutes), le chômage des
jeunes (qui dépasse 50 % chez les moins de 24 ans), les privatisations
et le secteur de l'énergie, sans oublier
la réforme de l'Etat. Autant de sujets qui constituent des éléments
clés de la communication de Bruxelles, qui encourage aussi Athènes à
mieux utiliser
les fonds qui sont mis à sa disposition : sur les 20 milliards d'euros
d'aides régionales, pour la période 2007-2013, seulement 8,4 milliards
ont été utilisés.
D'après le texte diffusé par Bruxelles, l'aide financière fournie à la Grèce pour lui éviter de sombrer
dans la faillite s'est élevée à un total de 380 milliards d'euros.
Cette somme comprend les prêts accordés par les Etats de la zone euro et
le FMI (240 milliards), l'effacement de la moitié des créances détenues
par les banques (100 milliards), mais aussi les aides directes dévolues
à la Grèce
- quelque 40 milliards. Au final, ces différents soutiens correspondent
à 33 600 euros par Grec, soit 177 % du produit intérieur brut du pays,
souligne la Commission européenne.
Cette dernière rappelle qu'elle entend utiliser des fonds européens pour venir en aide aux PME grecques et soutenir l'emploi des jeunes. Une enveloppe de 4milliards d'euros est identifiée pour aider les entreprises. C'est le rôle de la "task force", mise en place par Bruxelles, en juillet 2011, afin d'aider la Grèce à mettre en œuvre ses réformes structurelles et à absorber les fonds européens.
La frontière entre les promesses de la Commission et le programme
d'ajustement de la "troïka" est parfois mince. C'est un peu Docteur
Barroso et Mister Troïka. Sans attendre le scrutin, la Commission ne résiste pas à fixer la feuille de route du futur gouvernement, quitte à mettre
du sel sur les plaies encore ouvertes. Elle rappelle la nécessité d'un
nouvel ajustement budgétaire - de l'ordre de 5,5% du PIB à l'horizon
2013-2014, en plus des engagements pris en échange du second plan
d'aide. Et martèle son souci de voir les salaires baisser
de 15 % d'ici deux ans. Autant de mesures impopulaires, qui réduisent
la marge de manœuvre du prochain gouvernement grec, et risquent d'enflammer les joutes électorales.
Philippe Ricard et Alain Salles (Bruxelles, Athènes, Correspondants)
No comments:
Post a Comment
Only News